Tribune publiée dans Les Echos 21/4/2023

Femmes dans la tech :
2023, année pour changer la donne !

Une seule femme à la tête d’une entreprise du Next40 publié par la Frenchtech en Février 2023 (contre zéro en 2022 !), c’est sur ce constat que la promotion de cette année a été célébrée.  Un progrès, certes mais insuffisant car il est clair que la transformation numérique et la transition écologique se feront avec les femmes ou ne se feront pas. C’est pourquoi nos entreprises ont engagé des politiques d’égalité femmes hommes avec détermination. Mais ces politiques volontaristes se heurtent aujourd’hui à un obstacle majeur : la pénurie de femmes parmi les diplômées des filières scientifiques et techniques. Il s’agit de la racine du problème. Malgré toutes les actions engagées depuis plus de dix ans, les faits sont là : en France, de 2013 à 2020 la proportion de femmes de ces formations a chuté de 14% alors qu’elle ne baissait que de 5% en Europe[1]. Plus inquiétante encore, l’évolution observée aujourd’hui dans le secondaire qui laisse présager une chute encore plus forte dans les années à venir. En effet la proportion de filles dans les filières Science de l’ingénieur ou Numérique et Sciences Informatiques (NSI) a été divisée par trois entre la première et la terminale de 2020 à 2021 passant de 3,2% à 1,1% pour NSI, et de 1,1% à 0,5% pour les Sciences de l’Ingénieur en Terminale[2] !


Il est donc extrêmement urgent de se mobiliser et d’agir, pour capitaliser enfin sur ce formidable réservoir de créativité et de croissance que représente l’implication égale des femmes et des hommes dans les domaines scientifiques et techniques. Il faut lever les blocages, notamment au moment des choix d’orientation, où à résultats égaux en math en 3ème, enseignants et parents déconseillent plus souvent aux filles de s’orienter vers les filières scientifiques et techniques[3] ! Déclencher ce changement nécessite de prendre appui sur une démarche qui tire les leçons des échecs passés et innove, une démarche dans laquelle s’engagent des acteurs de la société civile aux côtés de l’État avec une volonté claire : changer la donne.


La première innovation consiste à engager une campagne d’information large qui s’adresse aux adolescents (filles et garçons), et aux prescripteurs clés (enseignants, parents) pour déclencher une prise de conscience sur la place des femmes dans la tech, avec des rôle modèles diversifiés et accessibles. La deuxième innovation est la mesure d’impact systématique auprès des adolescents (filles et garçons), et des enseignants afin d’évaluer ce qui fonctionne et d’adapter le dispositif en conséquence. La troisième innovation est d’inscrire cette action dans la durée, l’exposition éveille l’intérêt, elle ouvre la porte. Il est essentiel ensuite de poursuivre, d’engager des contacts suivis pour consolider afin de transformer les perceptions et faire évoluer les choix d’orientations.


Cette démarche capitalise sur une expérimentation conduite depuis novembre 2022 dans cinq rectorats et dont les résultats sont concluants. Plus de 74% des enseignants interrogés constatent que leurs élèves étaient peu ou pas informés sur le sujet ; et 93% que l’exposition a contribué à modifier les représentations genrées des élèves. Observation corroborée par les réponses des adolescents : 72% estiment, après l’avoir vue, que l’exposition les a fait changer d’avis sur le rôle et la place des femmes dans la tech.


Nous considérons qu’il est de notre responsabilité de nous y impliquer, aux côtés du gouvernement dont le plan interministériel Egalité 27 lancé par la ministre Isabelle Rome constitue déjà un témoignage d’engagement. Seule une mobilisation de l’ensemble de la Nation permettra de relever ce défi auquel il est aujourd’hui urgent d’apporter des réponses concrètes !



[1] Source : Eurostat – Effectifs diplômés en ingénierie, construction, production – Données janvier 2022 -Analyse Gender Scan

[2] Source : DEPP, RERS 2022.

[3] Source : « COMMENT L’ÉCOLE AMPLIFIE LES INÉGALITÉS SOCIALES ET MIGRATOIRES ? », Conseil National d’Évaluation du Système Scolaire, Pierre Vrignaud, 2016.